Le vin et le parfum ont-il beaucoup de choses en commun ? Plus que vous ne l’imaginez ! Nous sommes en présence de produits hédonistes capables de déchaîner les passions, symboles de l’art de vivre à la Française, au sein de deux univers qui réunissent des producteurs superstars tout comme des maisons confidentielles… Pour cet article, nous allons nous intéresser à un point très précis : l’analyse d’un vin selon les codes du parfum. Direction Darbonnay, à 30 minutes d’Arbois, dans le Sud du Jura.
Bulle à Parfums
Tiphaine Fougère est une passionnée de parfums ! D’ailleurs, quand on est pro, on dit « fragrance »… Après 10 ans à Paris entre ses études de parfumerie et ses expériences chez les plus grands (Jean Paul Gaultier, Nina Ricci, Paco Rabanne), elle revient dans son Jura natal et créé Bulle à Parfums en 2011. Dans cette petite cabane en bois joliment décorée, on prend le temps d’humer, d’être conseillé(e), de comprendre. Sa Bulle à parfums est réellement une bulle, hors du temps, temple dédié aux odeurs.
La toute première leçon que nous partage Tiphaine concerne le vocabulaire du parfumeur. Pour le vin, nous connaissons les arômes fruités, végétaux, floraux, animaux, empyreumatiques etc. Pour les parfums, référez-vous au schéma juste au dessus. En trois mots ? Rien à voir ! Si je vous dis en plus des choses comme le fait que la matière phare de la famille orientale est l’ambre gris, issue de la digestion du cachalot… Vous ne regarderez plus votre flacon de Shalimar de la même manière. Maintenant, si en plus, je vous dis que cette odeur d’ambre gris, Richard Pfister, oenologue-parfumeur, l’a détectée dans certains vins rouges âgés ? Le prisme de la parfumerie ouvre un univers olfactif impressionnant, qui mérite que les amateurs de vin s’y intéressent.
L’atelier Parfums et Vins
Lors de son atelier Parfums et Vins, Tiphaine nous initie aux subtilités de l’analyse des fragrances, puis fait le parallèle avec une dégustation de vins jurassiens. On commence par vaporiser quelques gouttes de parfum au creu de nos poignets. La théorie veut que nous sentions tout d’abord des « notes de tête », puis s’ensuivent les notes de cœur et les notes de fond. Un peu comme le vin en somme, qui présente en bouche une attaque, un milieu et une finale (longueur).
L’exercice est compliqué car tout comme le vin, cela peut prendre des heures avant que le parfum n’exprime toute sa complexité. Et tout comme le vin, le parfum évolue avec les années. Au fil des mois, les notes les plus légères (fruit, fleur) tendent à s’estomper au profit des notes ambrées, boisées, orientales. Le parfum est à son apogée dès le premier jour, car c’est à ce moment qu’il reflète le mieux l’imaginaire de son créateur. En moyenne, il est conseillé de garder vos flacons 3 ans maximum.
Les vins du Jura par le prisme du parfumeur
Arrive maintenant le moment de la dégustation, on commence par un Côte du Jura du domaine de La Petite Marne en 100% Savagnin. Les blancs issus de ce cépage emblématique du Jura s’expriment sur les agrumes, la pomme (parfois cuite), la noix et le curry. Les vins sont caractérisés par une belle vivacité. Voilà pour la description « classique ». Maintenant en version parfum, il a fallu d’une part identifier chaque note. Ca demande pas mal de concentration, mais on remarque assez vite que les notes fraîches et fruitées tendent à se retrouver dans les notes de tête, quand les épices sont plutôt dans les notes de fond. Dans un second temps, il a fallu changer notre vocabulaire pour adopter celui des fragrances… Autant vous dire que pour savoir si le curry est plutôt un oriental ou un chypré… Nous nous sommes aidés du jeu de 7 familles imaginé par Tiphaine, quand on ne lui demandait pas directement !
Sur les rouges, j’ai été très agréablement surprise par la finesse des Poulsards et Trousseaux. Que ce soit en termes de texture ou d’arômes, ils m’ont beaucoup fait penser au Pinot Noir : cerise, framboise, poivre, parfois un côté terreux (mousse, champignon, truffe). Souvent, un beau velouté. Là encore, l’exercice du passage au monde de la parfumerie est difficile. Du coup, Tiphaine nous livre son secret : TOUT sentir. Notre quotidien est propice à la découverte des odeurs, encore faut-il leur accorder ce temps. Sentir les aliments que vous cuisinez, les fleurs et les pierres que vous croisez, les tissus de vos habits… Tout comme le palais, il faut entraîner son nez. Plus vous serez exercé, plus il vous sera facile de nommer les odeurs du vin dans votre verre.
Si vous êtes de passage dans la région, cette expérience est vraiment à faire. N’hésitez pas à contacter Tiphaine (06 74 14 49 91). Pour approfondir le sujet, je vous conseille l’ouvrage Les Parfums du Vin de Richard Pfister. Cette bible est autant une invitation au voyage olfactif qu’un repère de formules chimiques des arômes décrits (dispo sur le site de la Fnac).