Il y a des endroits qui imposent le silence dès qu’on y entre. Le Fort des Rousses, lui, impose le respect. Dès qu’on passe les énormes murs d’enceinte, on sent l’histoire et la tension monter. Et quand on pénètre dans la salle où se tient le Championnat du Monde de Dégustation à l’Aveugle 2025 organisé par la RVF, la tension monte encore d’un cran. Ce matin du samedi 4 octobre, plus de quarante équipes du monde entier se retrouvent, prêtes à s’affronter, verre en main.
Un sanctuaire dédié au Comté pour héberger ce Championnat
Sa construction aura duré 70 ans. Amorcée en 1800 par Napoléon, le monumental Fort des Rousses aura connu une destinée militaire avant d’être racheté en 1997 par la famille Arnaud. Jean Charles Arnaud (et pas Bernard) le transforme en l’un des plus incroyables site touristique qu’il soit donné de visiter pour un gourmet : un sanctuaire dédié au fromage (Comté bien sûr, mais aussi Morbier, Bleu de Gex…).

Sur les 5 000 kilomètres de galeries creusées à même la roche qui constituent les souterrains du fort, 40% sont utilisés pour affiner des meules de comté (40 kg pièce !). Au total, le site abrite pas moins de 180 000 meules (bientôt 230 000), dans une atmosphère fraîche (8°C) et humide (95%) où le temps semble suspendu dans un silence presque religieux. C’est dans un bâtiment attenant à cette antre qui réveille nos 5 sens que se tient le Championnat du Monde de Dégustation à l’Aveugle 2025.
Les règles du Championnat du Monde de Dégustation à l’Aveugle 2025
La salle accueille une quarantaine d’équipes de 4 à 5 participants, réparties sur autant de tables. Ils auront douze vins à déguster, dix minutes par vin. Pour chacun, ils doivent trouver le cépage, le pays, l’appellation et le millésime. Chaque bonne réponse rapporte des points, qui se cumulent pour décréter quelle équipe gagnera ce Championnat du Monde de Dégustation à l’Aveugle 2025.

Si vous vous êtes déjà frotté au difficile exercice de la dégustation à l’aveugle, vous savez qu’il s’agit d’une immense leçon d’humilité. Pour preuve, cette situation fréquente qui est arrivée au Portugal sur le 4ème vin rouge : zéro point… Alors qu’il s’agissait d’un Touriga Nacional bien de chez eux ! Ou alors mon guess sur le 5ème vin rouge qui donnait un vin Argentin alors qu’il s’agissait d’un Châteauneuf-du-Pape… Personne n’est maître en son pays et des cas comme celui du Portugal sont très souvent ovationnés d’une pluie d’applaudissements par les autres équipes en guise de soutien (et un peu pour charrier aussi, parce que quand même…).
« Que le sort vous soit favorable »
Les discours inauguraux passés, la valse des vins peut commencer ! J’ai la chance de déguster en même temps que les équipes, dans les mêmes conditions. Le premier vin met tout le monde d’accord : une bulle en méthode traditionnelle d’une finesse folle, un chardonnay pur et équilibré. Je le place en 2016, c’était un Chardonnay de 2012 : La Perle d’Ayala. Un démarrage en douceur. Le deuxième vin, plus aromatique, floral et vif, m’emmène vers l’Espagne. Bonne intuition : c’était un Verdejo. Le troisième me perd. Chardonnay aussi, mais d’une puissance inhabituelle, exotique. Je pars sur les États-Unis… Nous étions en Australie.

Vous l’avez compris, déguster à l’aveugle, ça ne s’improvise pas, encore moins lorsque le jury vous sort un Riesling Slovaque comme c’était le cas pour le 4ème vin. Mon palais a déclaré forfait bien avant le 12ème vin, avant même le 7ème vin, un autre Espagnol : un Tempranillo de la Rioja pour lequel l’équipe ibérique aura récolté 3 points (c’est nul, mais pour ma part j’étais sur un Nero d’Avola donc bon…).
La finale la plus tendue de l’Histoire
Avec un grand H, rien de moins… Au fur et à mesure que les vins défilent, un trio de tête se dessine. Après 11 vins, la France, la Chine et l’Australie sont au coude à coude. L’air est électrique car le dernier vin peut faire basculer le podium dans un sens… Ou dans l’autre. Nous dégustons un vin blanc sucré sans être lourd, complexe, floral, à la robe claire et la minéralité évidente. L’intégralité des équipes du top 5 le place dans la Loire, sur un Chenin. Classique, cohérent, presque évident.
Mais la France ose une hypothèse différente : elle table sur un Furmint hongrois. Le jury prend son temps, le présentateur fait durer le suspense. Puis la sentence tombe : un Furmint ! Eszter 2021, un Szamorodni (vendanges tardives) de Zoltán Demeter, un Tokaj à 133g/L de sucres résiduels !

Explosion de cris, d’applaudissements, de rires. Le Fort des Rousses résonne d’une joie presque irréelle. Grâce à cette audace finale, la France remporte (pas du tout haut la main) le Championnat du monde de dégustation à l’aveugle 2025 ! Félicitations à François Breteau pour ce 3ème titre ! L’heure est au Champagne, mais surtout au Comté et au Vin Jaune !!

Merci encore à La RVF pour cette invitation à découvrir le Championnat de l’intérieur dans un cadre incroyable ! Pour découvrir le partage d’une autre de mes expériences jurassiennes liant quant à elle vin et parfum, c’est par ici !