Saviez-vous qu’on pouvait faire du rosé en Champagne ? Non, pas du champagne rosé, je vous parle bien de VRAI rosé, le vin sans bulle ! Découvrons ensemble le Rosé des Riceys, une appellation unique située en Côte des Bar, au sud de la Champagne.
Mais comment on fait du rosé ?
Répondons d’abord à cette question cruciale. L’une des techniques les plus répandues permet d’obtenir du rosé dit « de macération« . Pour ce faire, on récolte des raisins à la chair claire et à la peau rouge. La couleur rouge-violet de la peau est due à la présence des antocyanes, des molécules très colorantes (pigments). On laisse ces raisins macérer quelques heures à peine, puis on presse pour obtenir le jus. Durant ces quelques heures, les antocyanes vont très légèrement colorer le jus. Plus la macération est longue et plus la coloration rouge-violet est intense. Je vous laisse deviner comment on obtient du vin rouge du coup !
La durée de la macération est critique quand on parle de rosé, car c’est aussi pendant cette période que le futur vin gagne en complexité aromatique. L’enjeu est donc d’avoir une macération courte pour obtenir un rosé clair (24 heures suffisent pour un rosé typé Provence), mais suffisamment longue pour qu’il ait du goût. Plusieurs techniques existent, la plupart impliquent une maîtrise pointue de la température de la macération. Ça vous donne des chais optimisés pour la circulation des fluides refroidissant, ici du glycol pour le Château d’Esclan (Provence) et sa célèbre cuvée Garrus, rosé le plus cher du monde, passé en fût de chêne.
Maintenant, vous saurez pourquoi on dit parfois du rosé Provençal qu’il s’agit d’un vin « technologique ». Allez, on focuse sur le rosé champenois !
L’AOC Rosé des Riceys
Les vins proviennent du seul cépage Pinot Noir. Sachez que le terroir des Rosés des Riceys permet de produire non pas un type de vin, ni deux… Mais trois ! Concrètement, pour une même parcelle de Pinot Noir, le vigneron a trois options selon les qualités qu’il trouve à sa vendange :
- Première option : il vinifie en rosé et sortira du Rosé des Riceys
- Deuxième option : il prolonge la macération et obtiendra du vin rouge en AOC Coteaux Champenois
- Troisième option : les conditions sont idéales pour de la bulle, il produira un Champagne !
Dans les faits, l’option Champagne est la plus fréquente car bien mieux valorisée. D’autant que le Rosé des Riceys est un vin très délicat à obtenir. Arnaud, président du syndicat de l’AOC depuis 2018 et producteur des Champagnes Gallimard et Fils, nous explique que la macération dure 3 à 6 jours. Cette méthode permet aux Rosés des Riceys de présenter une trame tannique qui autorise un vieillissement en cave pouvant aller jusqu’à une dizaine d’années !
Par contre, durant ces quelques jours, il faut en permanence surveiller la progression de la vinification car un beau Rosé des Riceys, ça se joue à une heure près ! Tout l’enjeu est de presser les raisins le plus tard possible pour maximiser l’aromatique, mais juste à temps pour qu’ils ne donnent pas un vin rouge… Technique ! Du coup, sur les 500 hectares éligibles, moins de 50 sont effectivement utilisés pour ce type de vin.
Quel goût pour le rosé des Riceys ?
La longue macération permet d’obtenir des rosés extraits, complexes et aromatiques. Du coup, niveau température de dégustation, il est préférable de les boire légèrement plus chaud que les champagnes : aux alentours de 13 degrés, ils exprimeront tous leurs arômes. J’ai eu la chance de déguster le Rosé des Riceys de la maison Devaux : la vendange 2014, numérotée 1211 sur les 6107 bouteilles produites cette année là.
Au nez, vous aurez des arômes de fruits rouges autour de la framboise, la fraise, la cerise, le cassis. Sur celui-ci, vous avez en plus une trame épicée qui invite à la dégustation. En bouche, le vin présente une texture profonde et opulente qui le classe dans la catégorie des rosés gastronomiques. Et du coup, que manger avec un rosé des Riceys ? Et bien il a la profondeur et la complexité nécessaire pour soutenir une viande rouge. Mais également une incroyable délicatesse qui le rendra tout aussi merveilleux sur des poissons. L’idée encore plus originale du chef Thibault Loubersanes du restaurant Affinité a été de l’associer à de la Tomme de Brebis de la Vallée d’Aspe relevée d’un condiment au poivre Timut du Népal (pour vous mettre l’eau à la bouche, la carte d’Affinité c’est ici). La rondeur du rosé épouse magnifiquement les épices, et son fruit relève délicatement le goût rustique de la tomme. Vous l’avez deviné, les accords avec les rosé des Riceys sont nombreux et source de créativité.
Cette appellation est incontournable pour les amateurs, au même titre que les grands rosés de Bandol ou de Tavel. Ces derniers peuvent d’ailleurs se prêter aux mêmes types d’accords. N’hésitez pas à proposer vos suggestion d’accords avec ces rosés vineux !
Je l’ai goûté (maison Morel, millésime 2022) sur un chaource dans un restaurant de Bar-sur-Seine, accord parfait. Pas mal aussi avec un langres pas trop puissant.
Très bonne idée d’accords ! Merci pour la suggestion 🙂 J’ai justement un langres au frigo, possible que je tente !